Vieux Gréements Saint Nazaire

Activités et actualités de l'association des Vieux Gréements de Saint Nazaire

L'Epopée de l'Avel Dro, 14 ans de navigations à SN

29/01/2025

L'Epopée de l'Avel Dro, 14 ans de navigations à SN

Voici l’histoire "Épopée, de l'Avel Dro" écrite par Gérard Simon il y a quelques années pour le journal "La Hune" qu'il tenait à l'époque. 

 

Le bateau est actuellement en "grand chantier". Il le fallait bien, car son état nécessitait un remaniement complet et profond. C'est dans le cadre d'un partenariat avec Skol ar Mor, l'école de charpenterie de marine et association de notre région, que ces travaux en profondeur ont lieu dans nos locaux.

C'est dans ce contexte que Gérard nous propose son article qui permettra à chacun de connaitre ou de redécouvrir l'historique d'un des bateaux emblématiques des Vieux Gréements de Saint Nazaire, déjà plus de 14 ans qu'il fait naviguer nos adhérents.

 

Voici l'article agrémenté de quelques photos de l'époque

l’Avel-Dro
Découverte 


Ce matin du 3 novembre 2010, en descendant les marches du blockhaus, Pat est loin de s’imaginer qu’il va commencer l’écriture d’une page d’histoire de l’Association. 
Après avoir déverrouillé et poussé d’un coup d’épaule bien appuyé la lourde porte métallique blindée, il pénètre dans le local froid et humide et branche son outil de travail qu’il sort de sa mallette noire, sous l’œil curieux de son molosse.
 Une annonce s’affiche sur l’écran, émanant d’un couple rennais qui souhaite céder son bateau dont il n’arrive plus à profiter ni assurer l’entretien, loin de ses bases.
Le contact est pris avec les vendeurs et une expédition est rapidement mise sur pied pour éviter l’embrouille avec ces « étrangers » qui ignorent tout de l’association. Renommée localement pour son ambiance obscure, antichambre de l’enfer où, sous couvert de taper du bois, on dit, en ville et dans la région, que ses activités sont plus ou moins en délicatesse avec la morale et la légalité. C’est ce qui se murmure dans les bouges du port, où le silence est de rigueur, concernant certaines affaires, car chez ces gens là, on ne parle pas, on flingue! 


***
Épisode 1
Le temps des Barbouzes


Rapidement informés, quelques honorables membres décident d’aller vérifier sur place, en toute discrétion (marque de l’Association), l’authenticité de la proposition.
Ce matin sibérien du 7 décembre, sur des routes désertes, à la limite du praticable, un clipper Ford, gris sombre, embarque les éléments les plus louches de l’équipe. Les lourdes portes se referment et après s’être glissé entre les rives boueuses du Brivet le véhicule met le cap à l’ouest.

 

A son bord, Daniel, dit « the Chief », redouté par ses tics X+X de l’index droit et son langage fleuri. Là, ça déménage, ça disperse façon puzzle et après son passage, ce n’est que gémissements et désolation. Ça clignote dans les têtes comme dans l’azur étoilé. 
Pour l’accompagner, en porte-flingue, Pat dit « Bullaire », un barbu redoutable, qui connaît tout sur tout, et toujours accompagné d’un molosse baveux, effrayant, qui ne saque personne hors de la surface de béton solidement grillagée qui constitue son univers. Le duo vous fait craquer l’émail des dents, il a l’oreille de « Raoul », à la haute direction où il occupe une position stratégique. C’est un méthodique, un teigneux, qui ne lâche rien sur rien; à éviter.
 

Et puis Gégé dit « Scribus », méchant et dangereux, un passé trouble et inavouable de killer dans la barbouzerie officielle, redouté pour ses mots au vitriol. Il a démonté les plus solides, brisé des ménages, des réputations et sème une ambiance délétère dans le microcosme portuaire. Terriblement costaud. 
L’élégant clipper, parfaitement maitrisé, se glisse sous les couverts givrés, entre les congères et les pièges de la route. L’équipage de taiseux est amené au bord de la vaste étendue d’eau du barrage de retenue d’Arzal.

 

Dans un silence de goulag sibérien, les mouettes la ferment et la nature retient son souffle pendant que le trio se dirige vers l’appontement B30. Les planches des pontons craquent sous les pas lourds. Le bateau est bien là, en attente, ce n’est pas une blague, heureusement, car on ne blague pas dans ce milieu! 
Soudain une tête apparaît, sortant d’un cockpit voisin; c’est Yannick, un « agent » spécialisé dans la surveillance du plan d’eau et à qui rien n’échappe. Soyez sûr de n’avoir rien contre lui, car ici, l’eau est particulièrement noire, profonde et on fait dans le discret. 

 

Les lourdes rangers du Chief cognent contre la coque du voilier blanc pour analyser l’état du bordé, ça tient ou ça casse, pas du plastoc! Le Bullaire photographie à tout va et Scribus inspecte le pont rendu glissant par une couche verglacée et le brouillard givrant. Le premier contact est satisfaisant, ça devrait le faire et la marqueterie de la table à cartes mérite d’être vue de plus près. 
Le trio tourne les talons. Retour en silence vers la base, car, même pour des durs comme eux, on se les gèle grave !!!

 

Le samedi suivant, réunion extraordinaire du « bureau » pour débriefer l’opération commando. Raoul dit O.K. et on se quitte après le petit « sky » de rigueur. C’est vite mené, on n’est pas là pour rire, à Joubert, les pieds dans l’eau, au fond du bunker.
Pendant des jours, les claviers chauffent, les forfaits s’envolent pour imposer une date de rencontre aux honorables proprios. Ce sera le 18 décembre.
Une délégation de quatre nouveaux barbouzes se rend à Arzal. 
On fait dans la classe: costume sombre cintré style italo, feutre et gants de peau noirs, chaussures vernies, cravate, lacet-bolo ou lavallière et bagouzes aux doigts, que du discret!

 

C’est une dame qui négocie, alors, tenue de rigueur pour les rugueux ! 
On palabre en équilibre instable sur le ponton toujours glissant, le froid est vif et le vent du nord ne faiblit pas.
Un renflement discret, du plus bel effet, en forme de crosse, sous la veste, étouffe toute velléité de faire dans le méchant. L’accord est vite trouvé, amenant en toute gentillesse, à une signature tremblante.
11.30h, le vaisseau est dans la poche pour un euro symbolique, des promesses de faire naviguer et autres blablas de peu d’importance…

Ce matin-là, on trouve Raoul, le boss qui est la terreur du bassin du port (le petit). On s’y courbe sur son passage quand il daigne vous gratifier d’un rictus découvrant sa dent en or. 

 

Les envoyés du premier jour ne supportant pas d’être mis en lumière deux fois dans la même tambouille, on retrouve aussi….  
« le Gaffeur », un tordu, un souriant  qui endort sa proie, un as du lacet souple qu’il maitrise à merveille avec toutes les finesses de l’art des nœuds. Il s’en sert avec trop de dextérité au goût de ceux qui n’ont pas l’heur de lui plaire. C’est le «correspondant extérieur» qu’on retrouve le plus souvent sur les hauteurs de Blain ou du côté de Savenay, insaisissable!!!
Et, pour figer ce moment d’histoire, discrètement, en arrière de quelques pas et fondu dans le brouillard, se devine la silhouette de Jack « l’écorcheur », le violent, un vrai suppôt de Satan, une plaie sur pattes, équipé comme un porte-avions. Il ne commet pas de fautes, c’est du sûr, de la dynamite en confiture, sans le sucre. Lui, il joue dans la cuisine amère !!!
Sur un claquement de doigts discret, le groupe rejoint la lourde berline.
Un grognement raoulien confirme que le boss est fier du boulot de sa troupe, tout en délicatesse

 

***
 PHASE II
Les bouchons gras 


Pendant quelques semaines, les voyages s’organisent pour faire quitter le port à notre embarcation. La rigueur de nos correspondants portuaires ne nous permet pas de rester plus longtemps au ponton. 
Alors, les « techniques » rentrent en jeu pour constater que le lancement du moteur Renault-Couach n’est pas du gâteau. Il est rétif le bougre ! Mais, face à ces terreurs des serrures et l’aide du booster de Yannick, il consent, le troisième jour, à tousser dans un nuage lourd de fumée âcre. Première marche arrière pour se dégager du ponton, mais les commandes sont bloquées et ce n’est pas du velours.

 

 

Le Chief fait admirer sa maitrise et le cap est mis vers le havre de la Roche-Bernard, dans un brouillard très british.
Après une heure de navigation, le bateau atteint le quai, droit devant, toute manœuvre arrière étant plus qu’aléatoire. Le bateau est lancé vers les pontons de La Roche-Bernard.
 « L’écorcheur » et Bullaire, les barbouzes- photo, se planquent dans les roseaux pour fixer à jamais sur la pellicule ce qui doit être le crash de l’année; mais à plusieurs sur les manettes, l’équipage effectue l’atterrage en douceur et la bête rejoint son mouillage, rive sud du Rodoir, accueillie par le clan des amis de la Flottille de Basse-Vilaine qui nous hébergera pendant six mois. 

 

L’amarrage est précis à l’aide des amarres modernes, en nylon. Cependant, les quelques pointes de roches, à fleur d’eau, à proximité de la coque, n’inspirent pas confiance.
Un matin, des saboteurs indélicats s’étaient approprié nos belles amarres noires tressées. La coque cognait avec insistance à chaque clapot, pas de dégâts visibles dans l’immédiat, mais pour la suite…..

 

 

Au printemps, Nico le garagiste du Saint-Christophe, à la gare, nous apporte son support et sa technicité pour tout sécuriser. On fouille dans les entrailles de la bête en grattant les contacts ; inspectant les recoins, graissant à tout va, pendant les longues soirées d’après- boulot.
Le démarreur, l’alternateur, les courroies, la vidange, les batteries, tout y passe pour lancer enfin le moteur sans lui faire ingurgiter sa dose de dynamite.
Les commandes sont démontées, et modifiées pendant des heures, 
Abritées au Rodoir, les annexes de nos hôtes à disposition, les quelques soirées en terrasse à côté du Shara B. permettent d’avancer doucement mais sûrement. 

 

Un spécialiste élec est au chevet du patient. Comme il tient à rester discret au regard de son lourd passé, on le surnomme « Gégène » car il excelle dans la conduction électrique sous tout support. A éviter à tout prix à proximité du 380. Il maitrise assez mal ses instincts malgré un traitement en immersion dans une centrale atomique. Il est le seul à savoir lire un Métrix !
Mais, sous les frondaisons florissantes, avec l’arrivée du printemps, accompagnés du chant harmonieux des petits oiseaux, le clan des caisses à clous a investi les lieux avec efficacité et le jour arrive où le bateau quitte son abri pour un ponton du port. 

 

Eric (le Rouge) et Brigitte (la fleur) ont confectionné un bourguignon- surprise 
La cocotte rappelle une bombe artisanale et pour éviter toute méprise, le colis est réchauffé à l’écart sur le bateau voisin. Certains se remémorent en essuyant une larme de nostalgie, le temps bénit des Aurès, où ça pétait un tantinet !  On se serre un peu sur les coussins rayés et l’animation naturelle due aux mélanges de liquides très compatibles perturbe néanmoins un de nos membres soucieux de la réputation d’honorabilité des « gars de la ville ». Mais quelle ambiance et les voisins ont apprécié et en redemandent. 
Belle soirée de clôture des travaux d’urgence.


***
EPISODE III
La Récompense 


Enfin le grand jour est arrivé. Le vendredi 1er juillet 2010, à 6 heures, un groupe de trois « gars » met les sacs à bord aux premières lueurs de l’aube. Gérard, Eric et Jacques, qui constituent l’équipage de l’Avel-Dro appareillent à 7 heures, se présentent à l’écluse (agitée) d’Arzal à 8 heures. A 9 heures, le cap est mis vers le large.

 

 

Après une navigation sans problème, par un temps de curé, l’Avel-Dro double les caps et se permet un grand surf pour traverser la baie du Pouliguen, voiles en ciseau.
La chronologie est suivie de près par l’ami Gaston, « le gaulois », qui accueille à grands gestes, la belle bête au génois recouvrant, depuis son balcon de Kerlédé.
Faute de transmission, la maigre foule en folie, représentée par Laurent et Brigitte, salue la nouvelle unité au passage de l’écluse. 
Les travaux ont été longs et certains n’y croyaient plus.
Beaucoup de chemin parcouru cependant et les soudures de l’échappement réalisées par Bernard ont tenu. Ouf !

 

***


A la mi-août , l’Avel-Dro participe au rassemblement du « Bois de la Chaize », le bateau, gitard, engouffre de l’eau par les passages des axes de béquilles mais on écope à grands coups de seau et on retrouve gaillardement le quai du Commerce.

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